En l’absence d’un débat public serein sur la question Amazigh, le citoyen Algérien est livré à la manipulation des médias et politiciens qui n’ont plus qu’un seul but, le détourner de la vérité pour faire passer leurs idées à n’importe quel prix. Voilà pourquoi, le simple citoyen doit apprendre à décrypter les messages médiatiques pour évaluer la véracité des arguments : rejeter les argumentations dialectiques fallacieuses au seul profit de la vérité.

Pour comprendre les enjeux de la question du tamazight en Algérie, je vous propose le décryptage de deux vidéos autour du même thème. La première a provoqué une vive polémique, la deuxième est passée inaperçue.

La Vidéo de la militante politique Mme Naima Salhi

La vidéo postée en directe par la députée Mme Naima Salhi sur sa page Facebook a créé une vive polémique dans les médias et les réseaux sociaux. Une violente campagne de dénigrement médiatique s’en est suivie dénonçant ses propos qualifiés de « racistes et sectaires ». Les attaques de ses adversaires se sont focalisées sur un seul point lié à une expression considérée comme violente tout en faisant l’impasse sur le reste de ses propos qui sont beaucoup plus important.

Dans cette vidéo, la députée s’est exprimée sur la langue amazigh, qui rappelons-le a été instaurée, en Algérie, comme langue nationale et officielle ; imposée par la force au peuple Algérien, sans référendum ni même débat public.

1.       La députée a exprimé son avis sur le Tamazight qu’elle qualifie de langue morte, qui ne possède pas d’alphabet propre et qui ne peut pas être enseignée de force…

2.       Elle a aussi exprimé dans cette vidéo son ras le bol contre la propagande et les pressions exercées par des activistes Kabylistes, manipulés par des relais de la France néocoloniale, pour instaurer le Kabyle transcrit phonétiquement en latin comme seule expression amazigh en Algérie. Elle appelle, en effet, à respecter tous les dialectes berbérophones régionaux existant en Algérie et à leur transcription en arabe ou en Tifinagh.

3.       Elle a en outre dénoncé le mouvement séparatiste du MAK et son chef Ferhat Mhenni comme étant un mouvement raciste et terroriste manipulé par le Mossad.

Concernant sa bonne volonté à apprendre les langues régionales, Mme Naima Salhi a cité le cas de sa fille qui avait appris le Kabyle grâce à ses camarades d’école. Toutefois, agacée par la propagande visant à imposer ce dialecte par la force, elle rétorqua que dorénavant, elle interdira à sa fille de parler en Kabyle. C’est justement cette phrase, prise hors de son contexte, qui va être utilisée contre la députée pour l’attaquer en vue de la discréditer et occulter ces autres prises de positions courageuses. Rappelons que jusqu’à maintenant cette députée est la seule à avoir lancé un débat public sur le Tamazight, mais surtout à avoir dénoncé publiquement le MAK comme une entité terroriste.

La vidéo du chercheur Prof. Dourari

Dans cette vidéo, Prof Dourari, chercheur et actuel directeur du Centre National Pédagogique et Linguistique pour L’enseignement De Tamazight (CNPLET) pressenti pour être le prochain directeur de l’académie amazigh, a été interviewé par ElKadi Ihcene de radio maghreb mise en ligne le 10 janvier 2018. Concernant la langue amazighe, il répond :

1.   «Tamazight c’est beaucoup plus du kabyle normalisé d’une manière artificielle et poussée à l’extrème qu’ une réunification des différentes variétés de cette langue»  (8 :15) et c’est justement ce qu’a dénoncé la député Naima Salhi dans sa vidéo.

2.   «Cette langue artificielle qu’on appelle “Tamazight” est dangereuse pour la survie des variétés dialectales régionales »… « une langue créée en laboratoire et dans un mauvais laboratoire » (9 :48) …Pour Dourari la langue amazigh est artificielle et dangereuse, nous ne sommes pas loin de l’avis de Mme Naima Salhi qui la considère comme langue morte.

3.   Prof. Dourari présente le cas du Maroc qu’il considère comme un fiasco. «… ils (les Marocains) ont créé un Tamazight standard (…) ensuite le rendre obligatoire et général comme ça à tout le monde ça servait à quoi , c’était la question à laquelle ils n’avaient pas pensé.( !)  Ça sert à quoi d’avoir un Amazigh standard qui n’est parlé ni par les « Chleuhs », ni par les « tamazightophones » ni par les locuteurs du « Tarifit » donc ça pose un problème. ?» (17:00)

Intéressant ! Très bonne question, en effet, qui vaut aussi pour l’Algérie. A quoi sert d’avoir un Amazigh standard qui n’est parlé ni par les “Touregs”, ni par les “Chaouias”, ni par les “Mozabites” ni par les “Chleuhs”??? A quoi sert cette langue artificielle…et dangereuse ? La député Salhi a donc raison de se poser ces questions et à lancer un débat public.

4.      Enfin, et bien loin du domaine des langues, ElKadi Ihcène questionne les implications de la reconnaissance du Tamazight comme langue officielle et Dourari répond “les implications sont claires.. c’est revoir la forme de l’état Algérien” (25:35)

Les implications ne sont donc ni linguistiques ni culturelles mais bel et bien politiques. Les propos développés par le francophile Dourari,  futur directeur de l’académie Amazigh, sont assez troublants pour appeler à un débat national et public sur le Tamazight.

Pourquoi Dourari, qui est un linguiste s’aventure-t-il sur ce terrain – celui du changement politique ? Quel est l’agenda qui se cache derrière la question Tamazight et qui est derrière ?  Ces questions doivent être posées non pas par la seule députée Mme Salhi Naima, mais par tous les soi-disant représentants du peuple de l’APN et tous les politiques de ce pays.

Les raisons du lynchage médiatique contre la députée Mme Salhi

Il est claire que la présente campagne de dénigrement contre Mme Naima Salhi vise deux objectifs :

  • Le premier, discréditer la députée et chahuter le débat lancé sur la question Amazigh pour le dévier de son objectif et l’empécher de poser les questions qui dérangent ceux qui visent un “certain” changement politique en Algérie.
  • Le deuxième, faire du lynchage de Mme Naima Salhi un exemple pour faire peur à tous ceux qui osent s’attaquer à la question Amazigh. En effet, si un député qui bénéficie de l’immunité parlementaire ne peut émettre un avis critique en toute liberté sans être lynché par les médias et les réseaux sociaux, alors qu’en est-il du simple citoyen ?

Dans un pays démocratique, la liberté d’expression doit être garantie à chacun. Ce climat de lynchage médiatique et de violence verbale lancés contre tous ceux qui osent émettre un avis critique sur la langue amazigh, que nous vivons ces jours ci, est alarmant. Ce “terrorisme linguistique” doit cesser pour encourager un débat public et national, serein et réfléchit, sur la question Amazigh et qui associe tous les citoyens Algériens sans aucune forme d’exclusion. L’enjeu étant de protéger notre pays des agendas étrangers séparatistes et destructeurs qui ont touché des pays frères et voisins.