Dans son livre “Pourritures”, Malek Bennabi, qui a exercé comme enseignant durant la colonisation, décrit, la transformation des traits du faciès de ses élèves au fur et à mesure de leur accessibilité au savoir, à la pensée, à l’idée. Il décrit cet air de bestialité, qu’ils avait dans le regard et qui est transformé et humanisé par la pensée qui “met un masque particulier sur le visage“.

“...je constatais un résultat qui me bouleversait moi-même. Lors de mon premier contact avec mes élèves, je fus frappé de l’air de bestialité qui était dans leurs regards et sur leurs traits. Je remarquai que leurs regards s’étaient humanisés qu’on y voyait une pensée. Et chose plus bouleversante le faciès, lui-méme s’était transformé. Je n’ai pas le temps de noter ici tous les détails de cette littérale transfiguration de mes élèves, mais je compris dès lors que la pensée met un masque particulier sur le visage.
Dès que le doigt de l’analphabète a bougé pour fixer la magie d’une lettre, dès que son cerveau a bougé pour saisir une idée, c’est un autre être dans lequel l’indigène est mort un petit peu et l’homme est né dans la même mesure.
” Malek, Bennabi “Pourritures”

Ce passage m’a profondément boulversé parce qu’il m’a rappelé un constat amer que j’ai déjà fait avec beaucoup de jeunes Algériens : les parkingueurs de la rue, les jeunes bruyants qui s’affichent sur les réseaux sociaux, les présentateurs des caméras cachées débiles et même certains lycéens et étudiants.. Leur coupe de cheveux ridicules, leur démarche de zombi, leur regard hagard, leurs balbutiements lorsqu’ils parlent et ont du mal à terminer leur phrases, leur rire haut et stupide, leur violence verbale et physique trahissent l’absence… d’une pensée.
J’ai alors, compris cet air familier qui les distingue … ces jeunes portent tous le même masque… celui de l’ignorance.