L’Histoire antique de l’Algérie a toujours été la chasse gardée de la France coloniale qui a créé une histoire sur mesure à son projet colonisateur ; glorifiant le passé Romain parce qu’Européen et omettant le passé Phénicien parce qu’Oriental – pour ne pas dire : Arabe. C’est ainsi que notre passé phénicien/Carthaginois, celui de la grande civilisation méditerranéenne et Nord-Africaine qui dura plus de huit siècles sera occulté, amoindri pour ne plus représenter qu’un fait divers de l’histoire antique de l’Algérie.

Malheureusement, cet état de fait persiste, encore de nos jours. L’histoire antique de notre pays est toujours instrumentalisée pour servir, cette fois ci, l’idéologie berbériste séparatiste suicidaire pour notre société. La vérité est travestie, voire effacée, au profit de mythes, chimères et légendes qui racialisent l’histoire de notre peuple, pour en exclure un groupe et glorifier un autre. Notre histoire est ainsi ouvertement et officiellement falsifiée et la mémoire de nos ancêtres trahie.

Il est temps de rétablir ces vérités historiques pour réhabiliter la mémoire de tous nos ancêtres y compris les Phéniciens.

Le Nord de l’Afrique dans l’antiquité

Durant la période antique, et ce, dès le VIIIème siècle BCE, l’histoire du Nord de l’Afrique relatée par Hérodote met en scène les Libyens et les Phéniciens de Carthage. Si les premiers sont un conglomérat de tribus pastorales et nomades, les Phéniciens, descendants des Cananéens Arabes, sont déjà des bâtisseurs de cités, des commerçants et navigateurs qui, venus des côtes Est de la méditerranée (actuellement Liban et Palestine) vont s’établir sur le nord de l’Afrique et fonder des villes, notamment Carthage, mais aussi : Hipppo Regius (Annaba), Rusicade (Skikda), Igilgili (Jijel), Ikosim (Alger), Iol (cherchel), Tipaza, Siga (Takembrit), Cirta, Calama (Galma) …

Carthage la cité punique d’Afrique

C’est au IVème siècle BCE que Carthage, la cité Punique et Africaine, régnera sur le Nord de l’Afrique et la péninsule Ibérique. Elle devient la principale puissance économique et navale de l’ouest de la Méditerrané et imposera son hégémonie aux Grecs et Romains.

Sur le plan politique, Carthage était considérée par Aristote comme une forme de république à mi-chemin entre démocratie et oligarchie. Sa constitution réglemente son système de gouvernance, régie par des assemblées populaires qui sont partiellement représentées au sénat acquis en majorité à l’oligarchie. Celle-ci est composée : de puissants armateurs, commerçants et riches propriétaires terriens. Les suffètes : premiers magistrats de la cité, sont élus par la majorité.

La Numidie punique

Les Numides affiliés à Carthage subiront, durant plusieurs siècles, les influences politiques, économiques et culturelles de cette métropole Punique. Ils étaient organisés en deux principales chefferies : les Massaesyles et Massyles. Une inscription datant de 250 BCE donne en effet, le titre de Suffète à Zilalsan, chef des Massyles et ancêtre de Massinissa. Des assemblées populaires ou de seigneurs sont attestées dans les villes de Cirta, Calama, Siga, Ikosim…

Après des siècles d’échanges, le brassage des peuples entre la Numidie et Carthage ne fait aucun doute. Il est attesté par les nombreux liens de mariage entre les chefs Numides et l’aristocratie de Carthage qui avaient pour but de consolider les relations avec la cité Punique. Le chef Naravase/Narbaal avait reçu la main de la fille du général Hamilcar Barca pour sa précieuse aide contre la révolte des mercenaires (241-237 BCE) et le roi Syphax s’était marié à Sophonisbe fille d’un général Carthaginois pour sceller son alliance à Carthage contre Rome.

Les rois Numides parlaient la langue punique qui était la langue officielle de leur royaume. Les pièces de monnaie

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frappées au nom des chefs Numides Syphax, Vermina, Massinissa, Micipsa, Juba Ier, sont toutes gravées de lettres puniques, de droite à gauche. Après la chute de Carthage, en l’an 146 BCE, les Romains et après la destruction de la cité, cédèrent la bibliothèque de Carthage au Roi Micipsa, fils de Massinissa, et plus tard, vers 80 BCE, le roi Numide Hiempsal II père de Juba Ier, écrira un livre relatant l’histoire de son pays en langue punique.

Des centaines de stèles écrites en punique ont été découvertes dans le site d’El Hoffra / Cirta témoignage des offrandes aux dieu Phéniciens Baal Hamon et la déesse punique Tanit. Malheureusement, des centaines d’autres stèles, témoins de la civilisation Punique dans notre pays, volées durant la colonisation, sont toujours séquestrées dans des musées français.

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Stèle de Micipsa fils de Massinissa écrite en punique

Saint Augustain le Punique

Il ne fait aucun doute que le brassage des peuples Numides et phéniciens durant huit siècles a donné naissance à une nouvelle société ; une société punique qui a subsisté même après la colonisation Romaine. On peut lire en effet, dans le livre de Poujoulat sur la vie de Saint Augustin, qu’au IVème siècle CE, Saint Augustin, lui-même, se réclamait de la « race » Punique (!) et rappelait dans ses écrits que les populations de la région parlaient le punique et s’identifiaient au peuple Punique.

Le Maghribi ou la derja punique

Cette persistance de la langue punique auprès des autochtones cinq siècles après la chute de Carthage explique l’arabisation de la société du Maghreb après les « Foutouhates » Islamique du 7ème siècle. En effet, le linguiste Abdou ElImam démontre, dans son livre, que le Maghribi, le parler dialecte de la région du Maghreb, n’est pas une altération de la langue arabe classique du Coran, mais plutôt une variation du punique qui a subsisté depuis l’antiquité.

Décolonsier l’Histoire antique de l’Algérie

Il est indéniable que les ressources archéologiques et historiographiques d’époque confirment l’importance et la richesse de la civilisation punique, durant l’antiquité, dans notre région. Ce riche passé Punique qui renforce nos liens avec notre arabité, bien avant la venue de l’Islam sur nos terres, ne doit plus être occulté ni amoindri au profit de légendes fantaisistes des fossoyeurs de l’Histoire. Au contraire il doit être enseigné et célébré avec fierté comme une composante incontestable de notre identité.


Références:

Elimam, A., 2003. Le Maghribi, alias (ed-darija): la langue consensuelle du Maghreb. Dar el gharb.

Fage, J.D., Oliver, R.A., 1975. The Cambridge History of Africa. Cambridge University Press.

Poujoulat J., 1846. Histoire de Saint Augustin. Mellier Frères.

Rollin, C., 1776. Histoire ancienne des Egyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Medes et des Perses, des Macedoniens, des Grecs. chez les frères Estienne.

Rossi, P., 1976. La cité d’Isis: histoire vraie des Arabes. Nouvelles Editions Latines.

Smith, S.W., 1876. A Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology: Oarses-Zygia. J. Murray.

Site web de l’exposition Les Phéniciens en Algérie

Page personnel du Prof Benkoula qui répertorie les sources académiques inédites sur le sujet