L’événement principal de ce mois du patrimoine célébré chaque année du 18 avril au 18 mai aura été l’exposition sur les fouilles archéologiques de la place des Martyrs d’Alger. Le Centre National de Recherche Archéologique (CNRA), a posté, sur son site, des photos et cartes explicatives de ces fouilles préventives.

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Malheureusement, la chronologie historique du vieil Alger adoptée par le CNRA est assez troublante par son manque de rigueur scientifique et par son parti pris idéologique… Elle omet la période punique Carthaginoise de la ville IKosim et consacre, sans aucun sens critique, le mythe colonial de la « permanence Berbère 1 ».

Ainsi la chronologie de l’Histoire de la ville d’Aljazair selon le CNRA se résume en quatre périodes :

  1. Bérbéro-romaine
  2. Bérbéro-byzantine
  3. Bérbéro-islamique
  4. Bérbéro-Ottomane

Omission de la période Punique Carthaginoise d’Ikosim

Pourquoi les fouilles s’arrêtent à la période romaine ? Pourtant le CNRA doit être au courant des fouilles qui ont été réalisées à proximité des fouilles actuelles  en 1940 puis 1950 et qui ont déterré des vestiges puniques (stèles, pièces de monnaies à l’effigie d’ISIS et de Baal avec le nom d’IKOSIM) (2,3). Voir le portail “Cherchel Project” sur la présence phénicienne en ALgérie.

Capture Ikosim

Étrange que le CNRA, ne soit pas intéressé par cette partie de l’histoire antique d’Alger. Je leur conseille de lire les propos de l’Historien Ali Farid BelKadi au sujet des stèles et inscriptions libyco-puniques provenant de l’antique Cirta, trésor inestimable pour la mémoire de notre peuple qui est actuellement caché dans les musées français.

Capture Punique

Le mythe de la permanence Berbère

Cette chronologie qui consacre la permanence berbère du 2ème siècle avant JC au 19ème siècle après JC soulève plusieurs questions:

  1. Que représente le terme « berbéro » ici : empire, royaume, dynastie, tribu, ethnie ou …race ?
  2. Comment peut-on réduire tous les peuples qui ont habité Ikosim/Icosium/Jazair/Alger  et qui étaient : Punique Carthaginois/Libyens, Numides (Massaesyles, Massyles), Romains, Vandales, Sanhaja, Zenata, Thaaliba, Andalous, Ottomans (Turcs, Européens convertis, Kourghlis) … à n’être que des Berbèro-quelquechose … ?
  3. Sachant que l’historiographie coloniale est basée, justement, sur cette segmentation raciale de notre peuple et de notre Histoire, pourquoi le CNRA continue à user de ce mythe sans aucun sens critique ( ?)
  4. Pourquoi à la période chrétienne de la ville correspond la période Byzantine en référence à l’empire du même nom alors que pour la période musulmane, qui a duré plus de 8 siècles, on préfère des termes génériques et anonymes tels que Berbères et Islamique sans citer ni les royaumes ni les dynasties qui ont marqué Alger en cette période. De plus la période Ottomane n’était-elle pas aussi islamique ? Et pourquoi changer le nom des Banu Mazghana  à celui de Ath Mazghana ? Pourquoi ce zèle étrange à vouloir effacer tout ce qui est arabe de l’histoire d’Eljazair ( ?)

L’histoire de la ville d’Alger est beaucoups plus riche et complexe. Durant l’antiquité, le premier noyau dénomé Ikosim est fondé par les Carthaginois probablement vers 600ans avant JC . Après la chute de Carthage 146 avant JC, la ville devient colonie romaine et se développera selon le modèle des villes romaines et sera gouverné par des vassaux de Rome. Au 5ème siècle (483), la ville est conquise par les Vandales , puis reprise par les Byzantins au siècle suivant.

Après l’islamisation du Nord de l’Afrique la ville est reconstruite au 10eme siècle par Bologhine Banu Ziri. Située au carrefour des territoires de grandes dynasties en luttes pour le pouvoir dans la région, Alger prêtera allégeance aux Bani Hamad, Mourabitun, et Mouwahidun. Au 14ème siècle elle devient le fief de la dynastie des Taaliba et accueillera les Andalous exilés après la chute de l’Andalousie musulmane. Durant cette période, AlJazair est gouvernée telle une république aristocratique indépendante lorsqu’elle le peut, tout en prêtant allégeance au pouvoir fort du moment : les Zianides, Hafsides ou Marinides…Elle signera même un traité avec les Espagnoles en 1510.

La ville ne connaîtra son heure de gloire que sous le règne des Barberousse, et sous l’empire Otthoman. Forte de sa puissance navale, elle surpasse ses rivales Bejaia et Tlemcen et devient le siège du pouvoir du Maghreb ElAwsat prélude à son destin de capitale de l’Algérie.

Ainsi une chronologie “décolonisée” de l’histoire d’Alger  serait :

  • Période antique
    • Ikosim Punique / Carthaginoise 600 AVJC /
    • Icosium Romaine
  • Période Chrétienne
    • Icosium Romaine / Vandale /Byzantine
  • Renaissance Musulmane
    • Fondation Jazair Banu Mazghana des Sanhajas – Zirides 10s
    • Jazair des Ziride/Banu Hamad/Morabitun/Mouahidoun du 11éme S au 13éme S
    • Jazair des Taaliba 13 éme S – 15éme S
    • Jazair ElMahroussa Ottomane (du 16ème S au 18éme S)
  • Période coloniale
    • Alger coloniale 1830 1962

 


 

Références:

  1. Mohamed Cherif Sahli a dénoncé le mythe de “la permanence berbère” dans son livre “Décoloniser l’histoire”
  2. 1 عبد القادر حليمي “أصول النشأة لمدينة الجزائر” عن مجلة الأصالة بالجزائر العدد 8 السنة الثانية ربيع االثاني جمادى الأول 1392ه ماي جوان 1972
  3. الشيخ عبد الرحمان الجيلالي تاريخ المدن الثلاث الجزائر- المدية  مليانة دار الأمة 2014
  4. François Souq et Kemal Stiti, « Fouilles récentes à Alger », Les nouvelles de l’archéologie [En ligne], 124 | 2011, mis en ligne le 30 septembre 2014, URL : http://nda.revues.org/1432
  5. Ali Farid Belkadi, Lettre ouverte d’un anthropologue à Khalida Toumi, http://restesmortuairesderesistantsalgeriensaumuseumdeparis.blogs.nouvelobs.com/tag/ph%C3%A9niciens
  6. Fouille archéologique de la Place des Martyrs à Alger http://cnra.dz/fr/fouille-archeologique-preventive-de-la-place-des-martyrs-a-alger/